Le déni de grossesse
"Déni de grossesse : la force de l’inconscient"
Interview d’Alix Laban, psychologue, Le Figaro, 6 mars 2000
« - Qu’appelle-t-on un déni de grossesse ?
La reconnaissance tardive d’une grossesse. Une femme -généralement une adolescente- va tomber enceinte et -par crainte de s’avouer son état et de l’avouer à son entourage- va refuser d’admettre sa nouvelle situation. Son ventre et ses seins se développeront à peine, elle ne vomira pas et continuera même à avoir de petits saignements qu’elle prendra pour ses règles.
Il y deux types de déni : la dissimulation et la négation totale.
Dans le premier cas, la jeune fille sait qu’elle est enceinte, mais décide secrètement de l’oublier, vit au jour le jour, sans jamais se soucier du lendemain.
Dans le second cas, elle soupçonne très vaguement son état, s’achète un test de grossesse en pharmacie, mais ne va pas jusqu’à l’utiliser. Une partie d’elle-même sait qu’il y a un petit être en train de grandir en elle, l’autre ne le sait pas. Le jour où l’enfant naît, c’est la surprise générale.
Aussi incroyable que cela puisse sembler, il en va de même pour ses proches… qui, évidemment, s’en veulent de n’avoir rien vu. Pourtant, en dépit de leur meilleure volonté, ils ne le pouvaient pas. Ici, l’inconscient de la jeune fille est plus fort que tout.
- Comment se passe l’accouchement ?
Heureusement, le plus souvent, fort bien. Vers 5, 6 ou 7 mois, à l’occasion d’une visite de routine chez le médecin, la jeune femme s’entend révéler qu’elle porte un enfant, et finit sa grossesse normalement. Ce sont généralement ces femmes-là qui accouchent sous X. Il est cependant des cas rares où même un gynécologue aguerri peut se faire abuser et ne rien détecter. Dans les cas les plus extrêmes, la mère va soudain être prise de douleurs, se rendre aux toilettes et soudainement accoucher.
Sous l’emprise de la panique, devant la vue du sang, pour effacer de sa mémoire ce qui vient de lui arriver, elle pourra aller jusqu’à cacher son nouveau-né sous un lit, dans un placard ou un carton à chapeau. L’évidence même du lieu où elle abandonne le nourrisson prouve qu’elle est dans un état second. »